Jusqu’à présent, il n’était pas possible pour une aide à domicile ou une personne accompagnant une personne âgée ou handicapée de recevoir des libéralités (donations, legs…) de sa part. Une incapacité de recevoir qui vaut pour toute la durée de la prise en charge, de l’accueil ou de l’accompagnement de la personne. Dans une affaire récente, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur cette incapacité.
En l’espèce, un défunt sans héritier réservataire avait rédigé un testament dans lequel il désignait ses quatre cousins en tant que légataires universels et son aide à domicile comme légataire à titre particulier d’un appartement. Par la suite, les cousins du défunt avaient agi en justice afin de faire annuler le legs particulier consenti à l’aide à domicile. Pour motiver leur action en justice, ils avaient fait valoir qu’une aide à domicile est frappée d’incapacité à recevoir une libéralité. En réponse, l’aide à domicile avait déposé auprès du Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) afin de faire reconnaître l’inconstitutionnalité de cette incapacité.
Définition : une QPC est un droit reconnu à toute personne partie à un procès de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il appartient alors au Conseil constitutionnel de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition considérée.
Les Sages de la rue de Montpensier ont relevé que les dispositions contestées limitent, dans la mesure de cette interdiction, les personnes âgées, les personnes handicapées ou celles qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans leur capacité à disposer librement de leur patrimoine. Le droit de disposer librement de son patrimoine étant un attribut du droit de propriété, les dispositions contestées portent atteinte à ce droit.
En outre, le Conseil constitutionnel a souligné qu’en instaurant une incapacité de recevoir, les pouvoirs publics ont entendu assurer la protection de personnes dont ils ont estimé qu’elles étaient placées dans une situation particulière de vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens par ceux qui leur apportaient cette assistance. Ils ont ainsi poursuivi un but d’intérêt général.
Toutefois, il ne peut se déduire du seul fait que les personnes auxquelles une assistance est apportée sont âgées, handicapées ou dans une autre situation nécessitant cette assistance pour favoriser leur maintien à domicile que leur capacité à consentir est altérée. De plus, les services à la personne recouvrent une multitude de tâches susceptibles d’être mises en œuvre selon des durées ou des fréquences variables. Le seul fait que ces tâches soient accomplies au domicile des intéressés et qu’elles contribuent à leur maintien à domicile ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui leur apportent cette assistance. Le Conseil constitutionnel a noté que l’interdiction s’applique même dans le cas où pourrait être apportée la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste.
De ces constatations, le Conseil constitutionnel juge que l’interdiction de recevoir des libéralités porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété au regard de l’objectif poursuivi. Une interdiction qui doit donc être déclarée contraire à la Constitution. Cette décision s’applique immédiatement et supprime en pratique l’incapacité des salariés effectuant des services d’aide à domicile à recevoir des libéralités.
Conseil constitutionnel, QPC du 12 mars 2021, n° 2020-888
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